Vous êtes-vous déjà arrêté·e·s deux secondes sur la tournure suivante ? Elle témoigne d’une évolution intéressante de la syntaxe du français dans le champ médiatique :

Traditionnellement, la « tournure » (faute de mieux pour l’instant, mais patience…) « le vrai du faux » intervient dans la complémentation de verbes comme « démêler », « distinguer », « discerner », « séparer », « débrouiller » ou encore « trier » :

Ces verbes peuvent admettre trois « arguments » : un sujet et deux compléments d’objet, l’un direct et l’autre oblique. Notons qu’on peut aussi dire « démêler le vrai d’avec le faux », ce qui met davantage encore en relief l’autonomie syntaxique des deux objets.

Aider leur public à démêler/discerner/distinguer le vrai du faux est devenu une activité à part entière des médias d’information et, notamment, de leurs services de « fact-checking ».

Syntaxiquement parlant, « le vrai » et « le faux » constituent bien 2 syntagmes nominaux distincts.
Les choses se passent en gros ainsi (je conserve pour l’occasion la terminologie traditionnelle « complément d’objet direct / second ») :


Or avec le temps s’opère une transformation syntaxique radicale : « le vrai du faux » devient un seul syntagme nominal composé, ce dont témoigne son emploi isolé (sans verbe) :


… ou encore comme unique complément d’objet de verbes comme « dire » ou « expliquer » :


Dans ce type d’usages, « du faux » est devenu complément prépositionnel non plus du verbe, mais du premier nom, « vrai » :

Littéralement, cela crée un lien de repérage entre le N1 « vrai » et le N2 « faux », de type appartenance ou partie/tout : le vrai qu’il y a dans le faux… Etrange… 🙄
En réalité bien entendu, tout le monde comprend bien ce dont il s’agit !

C’est ça, la langue en mouvement ! Et vous, ça vous émerveille, vous agace ou vous indiffère ?